Piero

Indice. L’index. C’est comme ça qu’on m’appelle. Le doigt accusateur face aux compromissions bourgeoises et aux trahisons de l’État vaurien affidé au Grand Capital. Quand Aristo nous a réuni mes camarades et moi pour cette aventure à naître je n’ai pas cillé une seconde. Nous étions un poing brandi et vengeur contre cette société affamante. Comme nom pour notre organisation j’aurais préféré Pugno, ce sera La Mano : l’unicité du poing fermé laisse place à la générosité des cinq doigts, solidaires, chacun attaché par un lien inextinguible, inexpugnable. Nous avons tous des parcours différents, des motivations différentes. Mais les différences ne m’intéressent pas, la lutte qui nous réunit est plus forte. 
Aristo a dépassé sa condition petite bourgeoise, malgré son goût excessif du clinquant. Sandro est un faible sans envergure attaché aux basques de son oncle et de Raffaella… qui s’en moque éperduement. C’est presque triste. Mais le courage de Sandro décuple instantanément dès que Raffaella est là. 
Et puis il y a Dina. Quand je serais embauché chez Ducati à Bologne nous pourrons enfin être heureux. En paix. Je ne peux pas encore y penser, trop de choses nous attendent. On a commencé par de petites vendettas, on a parlé de nous dans les journaux. Aujourd’hui à Montefiorino, bientôt à Bologne, et puis l’Italie… l’Europe, unie sous la banière rouge. Populaire, fraternelle, comme en 17. Tant de combats nous attendent. Et les fachos, comme des cancrelats sournois qu’il faut plus que jamais écraser sous son talon. Camarades, des temps exaltants se préparent! 

Sandro

Je m’appelle Sandro. Sandro Bianchi. Né en 1946 (19 ans) à Montefiorino.
Je ne sais pas vraiment comment je me suis retrouvé dans toute cette histoire finalement. Par Aristo probablement. Par Raffaella assurément. Aujourd’hui nous sommes cinq. Piero, Dina, Aristo et moi. Et Raffaella. Raffaella est tellement belle. Raffaella est douce. Mais Raffaella est avec Aristo. Moi je traine mes kilos et ce désespoir de la voir jamais avoir un regard pour moi. Aristo est un imbécile. C’est mon meilleur ami, avec qui je finis le lycée. Il a assez de charisme pour être un leader en quelque sorte. Ce mouvement, La Mano, on l’a fondé tous ensemble et pourtant, je ne crois pas que je le vis comme Dina ou Piero qui peuvent parler pendant des heures de la Révolution, des frères de Russie ou des Andes. Ni comme Aristo, qui aime trop les belles voitures et les « coups » pour ne pas être un social-traître. Mais je suis là en tout cas. « Pollice ». Le pouce. Aristo a choisi le nom… Il n’a pas poussé la vexation à expliquer pourquoi.
Je passe le relais, ici. Piero vous expliquera peut-être mieux comment tout ça s’est mis en place…

Raffaella

Que dire, mon Dieu? Aristo m’a mis dans un sacré guépier en me demandant de me décrire sur ce papier. Il n’y a pas grand chose vraiment. Je m’appelle Raffaella, j’ai dix sept… Non… dix huit ans. Des cheveux longs, auburn, qui virent parfois au brun, des yeux clairs. Mes amis disent que je suis une chic fille, douce, mais je crois que je suis plus forte que ça. Discrète, oui. Vous connaissez l’histoire : c’est Montefiorino ici, le seul avenir à bâtir quand on est une femme, c’est de réussir un joli mariage. Je ne suis même pas sûre d’avoir envie d’y échapper. Mais il y a mes amis, Sandro, Piero, Dina, Aristofane. Ils sont tellement intelligents, j’aime les suivre. Surtout Aristo bien sur. Je crois que je l’aime tout court. Je crois aussi, parfois, que c’est un salaud. Je l’aime quand même. A nous tous, nous sommes la Mano, cinq doigts pour une main. Là, je suis Anulare, l’annulaire. On rend justice à ceux qui n’ont rien, je crois, on fait « des actes de justice prolétarienne » comme dit Piero. C’est terriblement excitant, cette frousse, surtout contre les fachos du MSI…
Je crois que je dois passer le papier à Sandro. Vous verrez, c’est quelqu’un de bien, un ami.

Aristo

Je me dévoue pour commencer. En plus ça tombe bien, je suis le chef.
J’aime les filles, la musique et les voitures de sport. Ca donne une image assez éloignée de celle que l’on se fait habituellement d’un leader de groupe d’extrême gauche, mais il faut préciser que j’aime aussi les flingues et les montées d’adrénaline. Dans l’action politique ce qui me plaît c’est l’action. Si en plus on peut rendre service à quelques oubliés de la vie, pourquoi se priver ?
Mon père est prof à l’université de Bologne. On appelle cette ville la rossa, à cause de la couleur de ses tuiles, et de son sang qui bouillonne dans un cœur ancré à gauche. C’est dans cette marmite que ma conscience sociale et politique a mariné pendant toute ma jeunesse. J’habite à Montefiorino, à 50 kms de Bologne. C’est un vrai bled ! C’est là qu’on a fait nos premiers coups, avec mes potes d’enfance : Dina, Piero et Sandro. Il y a aussi Raffaella, une fille canon qui n’a pas vraiment d’idées politiques mais qui est prête à épouser toutes les miennes. C’est elle qui viendra effeuiller sa bio prochaine fois.
Ciao !

PCC Philippe Thirault

Pearl

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PEARL

*

« Tu sais, Connie, je n’ai pas aimé ta façon de regarder Wesley quand il t’a offert cette glace aux noix de pécan.
– Parce que je l’ai regardé comment, selon toi ?
– Connie ! Tu sais bien ce que je veux dire ! Tu as regardé Wesley comme si….comme s’il comptait pour toi.
– Mais bien sûr que Wesley compte pour moi ! C’est un ami et…
– Ne joue pas avec moi, Connie baby. NE JOUE PAS AVEC MOI ! Ce n’était pas le regard qu’on adresse à un ami. Et lui , il t’a regardé de la même manière. C’était….c’était déplacé !
– Luke Hamilton ! Je regarde les gens comme j’en ai envie ! Tu sais que j’adore les noix de pécan. La glace était délicieuse et j’ai adressé à Lew un regard amical, c’est tout !
– Non, Connie ! NON ! Parce que ce regard tu lui as adressé AVANT de goûter la glace ! Comment savais-tu qu’elle allait être délicieuse ?  »
La nana du casting me fait signe d’arrêter. Merci, dit-elle, nous vous recontacterons. Ce qu’elle ne fera jamais. Pour moi, c’est la trente-huitième audition ratée depuis janvier, une sorte de record dans le Guiness Book des loosers. L’agent de casting qui me donnait la réplique me regarde avec un subtil mélange d’indifférence et de mépris. Je suis touché en plein coeur.
 » Strangeways, here we come », une série clone de « Dawson » programmée pour septembre, se fera sans moi.
Je sors du studio à midi trente. J’essaye de me convaincre que je n’ai pas faim car je n’ai rien à me payer sinon de l’amertume.

A l’Office Municipal pour l’Emploi, je fais la queue deux heures et demi avant de rencontrer ma nouvelle conseillère. C’est une assez jolie fille qui répond au doux nom d’Amanda Kruger.  » Il ne faut pas désespérer, monsieur Hasselblaink. Vous allez finir par décrocher quelque chose. Vous êtes joli garçon. » Ayant jaugé la nana et étant convaincu qu’elle ne cherche pas à me proposer la sieste crapuleuse, j’en déduis que c’est le seul compliment qu’elle ait pu adresser à un minable dans mon genre.  » Et encore, mademoiselle Kruger, vous n’avez pas tout vu !
– Hu ! Hu ! Hu ! Vous n’allez tout de même pas vous déshabiller ici ?
– Il faudra bien, si vous voulez me proposer un rôle dans une production…disons parallèle. »
Mais elle n’a rien à me proposer, même pas un rôle de bite en érection chez Luca Damiano.
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