Un trésor en bohème

Chaque dimanche ces prochaines semaines, on va essayer de vous faire découvrir un autre versant du talent de Philippe. Même s’il écrit désormais exclusivement pour la bande dessinée, Philippe Thirault à longtemps publié des textes, romans (au Serpent à Plumes) et nouvelles pour différent support. En voici une sélection.

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Greta Von Achenback avait quitté Munich le 7 mai. Son fils Ludovick était du voyage. Elsie, la soeur cadette de Greta, faisait également partie de la horde rutilante et pléthorique des Achenback (vingt-sept domestiques !) se rendant à Kielsdörf. Le périple depuis Munich fut éprouvant à cause de la chaleur et de l’inexistence d’une quelconque brise. C’était comme si le ciel avait retenu sa respiration. Le temps grandiose du printemps 14 annonçait tout sauf une guerre.

La propriété de vacances de la famille Achenback était une demeure bourgeoise qu’un architecte extravagant avait fait pousser au milieu d’une forêt de pins sombres, à la frontière du royaume de Bohème. La neige avait fondu seulement quinze jours auparavant et la terre exhalait encore l’odeur d’un hiver féroce. Il fallut huit heures pour installer chacun dans ses quartiers. Greta, Ludovick et Elsie résidaient au premier étage, dans des pièces vastes et claires comme un jardin. Le reste de la tribu, la valetaille, était parqué au second, dans une multitude de niches sous les toits, avec la lune, les cafards et les fuites. Après une semaine d’un soleil intense, irrationnel, la terre se craquela, les racines des plantes devinrent anarchiques et crochues pour aller chercher l’eau au plus profond. Dans les champs, les bêtes étaient accablées, ruisselantes. Les hommes buvaient, du vin, de la bière, de l’eau de vie, trop. Les bûcherons saisonniers qui débitaient le bois dans la forêt de Kielsdörf terminaient leur journée ivres et hurlants. Armés de leur hache, les gaillards venaient jusqu’aux grilles closes du domaine des Achenback pour psalmodier des refrains égrillards. Ils étaient altiers, costauds et parfaitement obsédés par la présence des cuisinières, femmes de chambre et autres fille de service. Ces dernières étaient loin d’être insensibles aux charmes des hommes des bois dont elles dévoraient du regard les épaules et le large torse dénudés par des chemises tombantes. Les femmes serviles de Kielsdörf qui ne purent réfréner leurs envies malgré la prière ou la masturbation formèrent rapidement un groupe très organisé dont le but était d’établir un roulement pour permettre à toutes de batifoler à l’extérieur du domaine sans que Greta pût s’en apercevoir. La forêt fut bientôt le théâtre de scènes particulièrement salées. Cela tournait à l’orgie forestière lorsque des erreurs de planning de la part à la fois des bûcherons et des domestiques laissaient une des fille au prise, seule, avec trois ou quatre géants au pénis dressé et épais comme un tronc.

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